Entre vignes et murailles - Banyuls
Un cep, des grappes, du schiste…
Un muret, des cailloux, une terrasse ….
Une vigne, deux vignes, trois vignes ….
Et …
Pas de tracteur !!
On ne peut pas parler de nos vacances à Banyuls sans évoquer le célèbre cépage rouge ou blanc, ce vin doux naturel qui se boit frais à l’apéritif sous le figuier ou l’olivier …
Avez-vous déjà eu une pensée émue en vous délectant de ce délicieux breuvage, pour le viticulteur qui a transpiré toute son âme dans la fabrication de ce cépage ??
Je ne boirai plus jamais de Banyuls sans imaginer le dur labeur de ces vendangeurs en pays Catalan !!
Depuis le moyen-âge, il en est ainsi, le terroir de Banyuls se mérite !!
Les vignes s’étendent en terrasses, écrasées par le chaud soleil, sur des pentes parfois très raides, reliant la mer turquoise à la montagne Pyrénéenne dans un dénivelé étourdissant !!
Des centaines de kilomètres de murettes en pierre sèche jalonnent ces pieds de vignes, sculptant ce relief varié.
Certains disent que si l’on alignait ces murettes les unes aux autres, on atteindrait la longueur de la muraille de Chine !! (soit 6000 km !!)
Si le vignoble de Banyuls dans les Pyrénées-Orientales existe toujours, il ne reste guère toutefois de personnes capables de construire une vigne à l’ancienne
Dans la revue "Terres Catalanes", un des derniers détenteurs de ce savoir-faire, Marcel Centène, décrit la technique ancestrale...
"Avant toute chose", raconte-t-il, "une fois que la terre était défrichée, il fallait dessiner la vigne, repérer les courbes de niveaux, et surtout, déterminer où l’on allait mettre l’agulla, la rigole, et le peu de gall [le réseau pluvial en patte d’oie].
C’est très important si l’on veut que l’eau s’écoule bien. Puis on construisait les murettes. Enfin, on répandait la terre dans chaque feixa, entre deux murettes, pour uniformiser la pente.
Ce travail se faisait l’été, avant ou après la vendange."
"C’était long", se souvient-il, "mais on avait le temps devant nous. Une murette qui est bien faite tient le coup longtemps, certaines ont des siècles même, et puis on cherchait à faire du beau.
J’ai vu des gens porter un caillou sur des kilomètres parce qu’ils le trouvaient joli.
Ils l’emmenaient sur leur dos ou à vélo jusqu’à leur vigne.
On allait même jusqu’à voler un caillou s’il nous en fallait un particulier pour un angle de murette ou pour la couverte.
C’était un travail d’artiste."
"La largeur des feixes était alors de cinq rangées de ceps environ, mais quelquefois, le viticulteur construisait une murette pour un seul pied, isolé, entre deux rochers.
Comme seuls outils il ne disposait que d’une pioche et d’un marteau, pointu d’un côté et plat de l’autre, qui servait à casser les cailloux et à les arranger pour qu’ils s’intègrent dans la murette. (…)
En une journée on ne peut ériger qu’environ trois mètres linéaires de murettes."
Ces murettes nous ont fascinés durant toutes nos balades, c’est assez unique, la pierre est très belle et les alignements méticuleux...
Le décor est splendide, mêlant le vert de la feuille, le noir des petites murailles, et le bleu du ciel estival …
Les lignes se croisent, se superposent, un énorme dessin géométrique se forme dans ces vallons viticoles.
Il faut les voir ces vignerons virils et sportifs arpenter leurs terres Catalanes …
Aucun tracteur ne peut circuler dans ces pentes abruptes et pas carrossables.
Alors tout se fait à la main, dans la sueur et l’effort, il faut se courber, se relever, grimper, descendre, porter, marcher encore et encore…
La hotte contenant le raisin récolté se fait de plus en plus lourde, et le soleil devient plus brûlant…
La soif assèche les gosiers, la chaleur trempe les vêtements, l’effort devient pénible...
Nous n’avons pas assisté aux vendanges, il est encore trop tôt dans la saison, mais nous avons observé ici et là ces viticulteurs….
Façonnant leurs pieds de vignes, taillant avec passion les ceps, guettant avec amour ces grappes fournies qui donneront le fruit tant attendu !!
Lors d’une randonnée, écrasés par la chaleur, nous cherchions un coin d’ombre et avons aperçu un viticulteur armé de son sécateur, nous avons alors pris conscience de la dureté du travail dans cette région…
On est loin du plancher des vignes des rosés de Provence ou même des coteaux de Champagne pourtant déjà pentus…
Ici le vigneron est un dur, un traileur de haut niveau, un athlète performant !!!
Leur vie est dans leurs vignes, ils y consacrent beaucoup d’énergie et de temps, et si l’on prend quelques minutes pour discuter avec eux, ils vous expliquent la difficulté de survivre à la crise, au désintérêt des jeunes pour reprendre les exploitations familiales, à la main d’œuvre que l’on ne trouve plus …
Il n’est pas question de s’épancher sur leurs soucis, car beaucoup doivent évidemment en vivre plutôt bien.
Mais cela nous permet de comprendre un peu mieux leurs conditions de travail, et cette menace qui pèse sur ces hectares de vignes, amenées à disparaître si la jeunesse d’aujourd’hui ne prend pas demain la relève ….
Les vignes sont un patrimoine historique, le paysage Catalan serait orphelin sans ces cascades de rangées vertes aux raisins rougis par le soleil ....
Alors, vous prendrez bien un petit verre de Banyuls ...???
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