100 km de Belvès – 2005

Vendredi 22 avril. En route vers Belvès. Je suis inscrit pour le 100 km depuis le début de l’année. Seul dans la voiture, je ne peux m’empêcher de penser à toutes ces certitudes que je suis en train de bousculer.

Avril 2001, je termine mon seul et unique marathon. J’en ai très peu de souvenirs mais j’ai plutôt des certitudes. Je ne retiens que l’ambiance du départ, mes foulées dans l’avenue de Rivoli (C’est habituellement le domaine de l’automobile, du bruit, de la pollution). Et aussi les 300 derniers mètres.
Même avec un temps modeste de 4H15, la foule est encore très présente à l’entrée du boulevard Foch, et j’ai encore le souvenir d’un inconnu qui me crie « Vous êtes marathonien ». C’était vrai, dans quelques mètres je franchirai la ligne heureux, fier, mais persuadé que je ne ferai plus de course sur route. Je me suis ennuyé, je n’ai regardé que l’heure, comme une obsession.

Alors que s’est-il passé en 4 ans ? Certainement la découverte des épreuves longues, par le biais de raids multi-sports, une façon ludique de se tester, de connaître ses limites, d’apprendre, puis quelques trails et surtout le hasard de rencontres pour terminer accompagnateur sur un 100km. C’est un véritable coup de foudre pour cette épreuve. Alors tant pis, au risque de griller quelques étapes, je m’inscris j’ai trop envie.

Beaucoup viennent aux 100km après de nombreuses expériences sur la route, des temps records sur marathon, semi ou autres, moi je viens avec mon passé de rugbyman, et les valeurs de ce sport : humilité, respect, entraînement et plaisir.
Je n’ai pas les qualités de coureurs ni le physique, mais j’ai l’envie, l’énorme envie de croquer la vie, de se confronter à ses peurs, à ces doutes pour mieux les apprivoiser. Alors ce 100 km de Belvès je vais tenter de le vivre comme un vrai bonheur et découvrir au fil des kilomètres toutes les certitudes et les angoisses qui naissent pendant une telle épreuve.
J’ai choisi librement de participer, de courir seul, mais cela ne m’autorise pas à faire n’importe quoi, je vais respecter quelques règles de base, et notamment les plus importantes :
me fixer des limites infranchissables ( c’est un plaisir que je m’offre, il est donc hors de question de finir agonisant, et mettre des mois à récupérer) et m’entraîner sérieusement. Pour cela je ferai confiance à l’expérience. Merci Bruno Heubi.
9 semaines de préparation, qui furent un véritable plaisir, l’apprentissage des allures, la découverte de la piste et surtout de voir qu’au fil des semaines les progrès sont notables.

J’arrive donc à Belvès bien préparé pour cet événement.
La nuit fût un peu agitée, ce n’est pas le doute mais l’excitation de participer à une belle fête qui m’empêche de dormir. Elle a d’ailleurs bien commencé. La pasta-party fût conviviale et placée sous la bonne humeur. Elle permet de découvrir, de rencontrer et écouter d’autres coureurs avec d’autres ambitions, expériences, doutes. C’est enrichissant.
Quelques notes d’humour, de conseils, de rêves partagés puis direction le collège pour tenter de dormir un peu.

Samedi 23 Avril – 7H30. Je suis proche de la ligne de départ et un stress m’envahit, c’est la première fois que je ressens un tel sentiment avant une course. Sûrement, l’envie subite de partager mes appréhensions et de contenir cette excitation si forte, il me tarde d’être 8h00. Je cherche du regard quelques connaissances, je reçois les premiers messages d’encouragement, tout va bien retour à la normale. Que la fête commence !
Je me place volontairement dans les derniers, pour éviter d’être happé par le peloton et échappé ainsi à un départ rapide.
On rencontre de tout dans ce peloton, des marcheurs, des coureurs avertis, des hommes des femmes, des jeunes des vieux, des couples, des solitaires, un farfelu qui court en arrière ?

Les premiers kilomètres sont euphorisants, je parle beaucoup, j’échange des impressions, c’est si bon, si agréable, mais je surveille surtout mon allure, ne pas partir trop vite la route sera longue …

Le temps passe vite à la découverte de ce parcours. Je m’approche déjà de la Dordogne, certaines boucles sont si proches que l’on sent sa fraîcheur. J’adore ça. Le spectacle est exceptionnel, et l’accueil des gens est extraordinaire. Spontanément, certains nous ouvrent leur maison, un verre d’eau, un quartier d’orange, un morceau de sucre, mais surtout de la sincérité, de la gentillesse.
Tous ces petits gestes vont se répéter tout le long du parcours et plus nous avancerons plus ils seront les bienvenus. Merci à tous ces anonymes, ces supporters, ces bénévoles de leurs aides et leurs encouragements.
Je n’ai pas encore fait la moitié de la course mais je sais déjà que je reviendrai.
Les kilomètres défilent, je suis impressionné par ma régularité. Je cours comme prévue autours de 10km/h je marche 1 à 2 mn à chaque ravitaillement, où je prends le temps de grignoter, de boire.

J’avale les kilomètres sans lassitude, ce sont les biens faits de la préparation, je me dirige vers le marathon sans me poser de question. Ca me paraît si naturel d’être là, de courir. C’est si étrange et si agréable.

Pourtant je pressens le danger, mon pire ennemi se réveille et il très hardi le coquin. Bien sûr sa lumière sa chaleur, ne peut rendre que le parcours plus agréable, plus joli, mais moi je ne supporte les premières chaleurs quand je n’y suis pas préparé. Alors je pense déjà aux galères précédemment rencontrées et ce long faux plat vers Sarlat, dans ce couloir ensoleillé me fait sérieusement douter.

Je vais m’économiser, marcher plus souvent et courir dès que le soleil se cache ou sous les zones moins exposées. La situation est frustrante, mais j’essaye de ne pas paniquer. Je suis dans les temps de moins de douze heures et quand bien même une heure de plus ce ne serait pas grave à comparer au plaisir et à la satisfaction de terminer.

La descente vers la Dordogne est ensoleillée et m’insupporte. Je me motive dans la descente et en pensant à retrouver la fraîcheur du bord de l’eau.
Retour sur les rives de la Dordogne. Non, ce n’est plus le même paysage que ce matin, c’est plus ensoleillé, plus lumineux, plus beau et terriblement plus difficile pour moi. Je vais faire une longue pause à la Roque Gageac, me faire masser gagner un peu de temps dans ce combat que je mène contre la chaleur.
Je plaisante avec les kinés, je n’ai pas de doute sur la suite. Il faut que je patiente, la pluie va arriver c’est sûr.

65 km, je traverse la Dordogne, 30 secondes de fraîcheur relative, je croise les coureurs qui terminent une boucle. A la sortie de cette boucle, il restera 30 km le rêve approche. Je vais bien.
Petite descente, je longe un petit chemin sinueux direction le ravitaillement du camping, le parcours est très joli, très calme sous ce soleil. C’est une invitation à la farniente à l’ombre d’un arbre.
Le ravitaillement approche tout va aller très vite :
- On peut se faire rapatrier d’ici ?
- Oui, la navette vient de partir, vous voulez que l’on la rappelle ?
- Oui SVP madame, vous êtes gentille.

Je ne sais pas ce qu’il s’est passé ? Ce fût si soudain, si rapide. Une question et tout s’enchaîne. L’idée m’est venue ? brutalement, stupidement, …
La frustration était peut-être trop grande, Je n’étais pas venu pour marcher (autant) mais pour courir. Je me sentais si bien en courant et si faible sous la chaleur.
Fin de l’aventure, il est à peine 16 heures.
Une demi-heure plus tard, dans la navette les premières gouttes tombaient sur le pare brise.

19h30 un orage noyait le parcours et aussi mes illusions.
A l’heure où j’écris ces quelques lignes je suis inscrit pour les 100 km de Chavagnes en Paillers.
Je n’y vais pas avec un sentiment de revanche mais simplement pour essayer de calmer un sentiment de frustration, de tenter de terminer ce que j’ai commencé à entreprendre, de continuer à apprendre, à découvrir, à m’amuser.
Merci aux organisateurs et aux bénévoles pour cette épreuve qui mérite amplement sa notoriété acquise au fil des années.

Finalement, un 100km c’est un peu comme un condensé de la vie, on débute dans la joie, la bonne humeur, l’insouciance. Au fil de l’apprentissage, on rencontre des hauts et des bas, qu’il faut gérer, surmonter ou tempérer. Il faut aussi parfois accepter ses échecs et se dire que de toute façon il aura des meilleurs moments. Mais quelque soit l’issue de la course c’était une expérience qui fallait vivre.

Commentaires version précédente

Sandrine le 28/09/2010

tu veux y retourner en 2006…accompagné ou pas !!!
Tu seras donc accomptazé ou encore mieux tazaccompagné, je vais m’entrainer dur pour faire ces 100 bornes avec toi !!!!
J’en rêve, et je ferai tout pour ne pas te décevoir, je t’emmènerai au bout..
tu verras.

L’équipe twintaz fera parler d’elle !