Quand j’étais danseuse… Acte 2

Si vous avez été fidèle à mes bafouilles, la dernière fois que je vous ai parlé de danse, j’avais 14 ans, et j’achevais ma période classique (je ne suis pas présomptueuse, mais un peu à la manière de Picasso, j’ai eu moi aussi deux périodes !! La période tutu rose et celle des guêtres bleues…).

1982 – Vous l’aurez compris, j’aime plus le classique.

J’en ai marre des cygnes, des diadèmes en plume et du piano, ras le bol de me faire houspiller par la prof trop sévère, et plus qu’assez des pieds comprimés dans les pointes trop dures, c’est décidé : je balance mes chaussons roses dans le bazar innommable de ma chambre d’ado pour ne plus jamais les enfiler !!

J’ai atteint le bel âge de l’adolescence où l’on n’aime plus grand-chose, la douce période où l’on se révolte contre toutes les idées, on aime y provoquer ses parents, tout en restant dans l’immaturité la plus totale !!

J’ai forcément raison sur tout et tort sur rien !!

La danse classique c’est nul, c’est gnangnan, et la musique, j’en cause même pas, Tchaïkovski c’est ringard, ça passe pas à la radio, (surtout pas au hit-parade d’Europe 1 que j’écoute religieusement dans mon bain) et au final ça me casse les noisettes….
En prime, les sauts de chats ou arabesques ne servent pas à grand-chose dans les boums, et les chignons serrés me donnent la migraine !!

Bref, le classique c’est fini !!

J’ai par contre trouvé un loisir qui me va à merveille : ne rien faire, sinon aller traîner avec mes copines, au ciné, à la patinoire …

Sauf que…
Maman ne l’entend pas du tout de cette oreille, ok j’arrête la danse classique, mais il n’est pas question que j’arrête le sport !!
Elle me demande donc de trouver une activité qui me convienne, sinon elle fera le choix pour moi, quitte à m’inscrire au foot ou au judo !!

Quelle horreur !!

Mise au pied du mur, je réfléchis à mon triste sort.

Je ne suis tellement pas sportive à cette époque, que l’on peut oublier l’athlétisme, le hockey sur gazon ou la gymnastique.
Je jette tout de même un œil sur ce que propose l’association sportive du collège.
Rien ne m’emballe sauf…

Le Modern’jazz !!

Oui, je vous l’avoue, on reste dans le domaine de la danse, je me demande même comment je n’y avais pas pensé avant, moi la grande accro de la série « Fame » et complètement dingue de ses danseurs Coco et Leroy !!

Je troque donc mes collants roses, mes pointes Repetto et mon tutu blanc, pour une tenue hyper méga mode : guêtres fluo sur collant noir, brassière flashy, chaussons noirs spécifiques au moderne.

« She’s a maniac, maniac on the floor », on est dans les années 80, n’oubliez pas !
ça y est, vous m’imaginez ??

Dès le premier cours, j’adore !!

La barre n’est plus synonyme de torture, mes pieds sont comme dans des charentaises (j’exagère à peine, car les chaussons de jazz comparés aux pointes sont d’un confort absolu !!), l’ambiance est cool, bref, c’est le top !!

Une prof très jeune, un échauffement digne de Véronique et Davina, des chorégraphies sur des tubes, un groupe de copines.
C’est l’éclate totale.
Il n’y a plus rien de commun avec la rigueur du classique, je retrouve tout de même les pas de base de la danse, car un pas de bourrée reste un pas de bourrée, une pirouette reste une pirouette, y compris sur Toto ou John Miles !!

L’apothéose étant la représentation du spectacle de fin d’année dans la salle polyvalente du collège devant un parterre de professeurs et d’élèves…

1983 – La prof nous annonce que nous allons refaire à l’identique le clip de Michael Jackson « Thriller »…
Cris de joie, embrassades, on viendrait de marquer un but en coupe du monde, que l’on serait dans le même état d’euphorie !

Michael a sorti son album qui cartonne avec différents tubes, Billie Jean, Beat it, personne ne passe à côté de ce phénomène mondial.

Mais Thriller, c’est THE clip !!

Il passe en boucle sur les 6 chaînes (pas de satellite, ni de TNT je le rappelle pour les plus jeunes d’entre vous !), on a déjà tous fait et refait la choré de ces doux morts-vivants qui sortent des tombes en tenue de soirée !!

C’est donc la consécration pour nous de danser sur ce tube planétaire !

Semaine après semaine, on répète les mouvements, qui s’avèrent finalement plus compliqués que les simples pas du refrain.

Pas si facile d’imiter le déhanché du roi de la pop !!

Mais en persévérant, on arrive à boucler la chorégraphie complète, et on est supers fières de nous…
La représentation de fin d’année est évidemment un triomphe, tout le monde est debout et danse avec nous sur la musique, le succès est total !

2004 – Quelques 20 années se sont écoulées.

La danse ne m’a pas quitté, ou plutôt je n’ai pas quitté la danse.

Depuis 1997, je continue à prendre des cours à l’atelier chorégraphique d’Epernon, petite structure, mais ambiance de trentenaires et quadragénaires délirantes…
Les cours sont de vrais exutoires, chacune d’entre nous oublie son boulot, ses tracas, et nous nous appliquons dans nos diagonales et autres grands écarts.

Quant aux afters (on ne parle pas de 3e mi-temps en danse !), on se rapproche des Desesperate Housewives ou de Sex in the city !!

Le plus difficile à gérer reste le spectacle de fin d’année…

Plus tout à fait adolescente, encore moins enfant, la vie est passée par là avec les petits kilos en trop, la souplesse et la grâce en moins !!

Être adulte sur scène ne pardonne rien, et on peut être très vite ridicule.

Chaque proposition de musique ou de chorégraphie donne cours à un débat digne des brèves de comptoirs, certaines trouvent le morceau trop rapide, d’autres trop lent, il est difficile de contenter tout le monde et pour un peu, on se crêperait le chignon !!.

Le menu musical des dernières années nous a tout de même permis de danser entre autres sur Texas, Rachid Taha, Beetle Juice, Priscilla folle du désert ou encore Moulin Rouge et Roxanne.

Cette fois-ci, Gaëlle veut changer un peu du repertoire cabaret ou jazz,
elle nous propose de refaire le clip de Thriller version longue et en entier, et ce sera le final du spectacle…

Tiens tiens j’ai déjà vécu ça …

Après avoir appris la version courte à 15 ans, je vais donc apprendre la full version qui dure exactement 14 minutes et j’ai 35 ans ! (et ne cherchez pas de proportionnalité là dedans, il n’y en a aucune).

Pourtant j’étais prête à raccrocher les chaussons, l’envie de passer à autre chose était forte, une certaine lassitude s’était installée, mais cette proposition de finir sur Michael Jackson me ravit.

J’adore ce titre qui a finalement moins vieilli que moi, je décide donc de rempiler pour une année encore en espérant me régaler des futures répétitions.

Il nous faudra des semaines et des semaines de préparation, de visionnage du clip pour une totale immersion…On danse Thriller, on mange Thriller, on dort Thriller !

J’ai encore quelques souvenirs de 1983, mais je réapprends chaque geste, chaque mouvement, il faut que l’ensemble soit parfait sous peine de désastre, alors on s’y tient, même si le déhanché du roi de la Pop reste encore plus difficile à imiter vu notre grand âge.

Les costumes sont, quant à eux faciles à confectionner : haillons déchirés, loques, cheveux crêpés, maquillage cadavérique.
Ressembler à des morts-vivants va être plus facile que de se déguiser en girls du moulin rouge !!

Juin 2004 – Jour de spectacle aux Prairiales

Nous sommes fins prêts (le masculin l’emporte car nous avons Clément qui nous a rejoints dans cet univers de filles !).

Maquillés, coiffés, à fond dans la peau de nos personnages d’outre-tombe !

Le public remplit la salle, 600 spectateurs prennent place confortablement dans les fauteuils rouges…Le trac monte.

Le spectacle commence.

Je peux vous garantir que l’envers du décor vaut autant que le devant de la scène, et j’ai toujours adoré cette ambiance dans les loges ou les coulisses…

Merveilleux moment d’excitation et de folie pure : on cherche les épingles, un collant, la laque, un morceau du costume, tout le monde court partout, on se bouscule, ça râle, mais ça rigole beaucoup aussi.

En prime, nous les filles, on passe notre temps à aller aux toilettes !!
C’est incroyable comme le trac fait travailler la vessie de manière incontrôlée !

Notre tour arrive. Les jambes flageolent, le cœur s’accélère, on irait bien encore une fois aux toilettes, mais c’est trop tard !
Noir dans la salle.

Premières notes, ou plutôt, premiers grincements de pierre tombale et hurlements lugubres.
C’est parti, nous descendons les escaliers en boitant, en grimaçant, en apeurant les personnes dans le public !
Nous rejoignons la scène en rampant, tels de bons morts-vivants aux gestes saccadés.

Au fur et à mesure de la chorégraphie, tel un énorme flashmob, tous les élèves de l’école nous rejoignent, et nous voici 150 sur la scène devant un public en liesse !!

La dernière note tombe, tout comme le rideau.

La boucle est bouclée.
J’ai démarré la danse moderne sur Thriller, je peux arrêter la danse moderne sur Thriller !
Le cycle est terminé, je vais passer à autre chose, laisser la scène aux jeunes !

Depuis ce jour de 2004, j’ai rangé les chaussons de danse, les guêtres et autres brassières…

Quelque part en moi, ce besoin de danser, de me trémousser n’est pas parti, et j’aime les longues soirées d’anniversaires où l’on ne quitte plus le dancefloor.

Je prends aussi ma revanche en vacances, en remettant les pieds sur la scène de l’amphithéâtre des Tournels, entourée de mon homme et de la bande incontournable des copains !
Parce qu’il faut l’avouer, quand on a goûté aux applaudissements du public et au trac qui vous liquéfie, on aime bien malgré tout en remettre une couche !

Vous l’aurez compris, la danse fait partie de ma vie, même si maintenant, j’y ai ajouté également une belle touche de rugby !! 🙂